Cataclysme ! Le 11 janvier 2025 Turo a changé les règles du jeu.

Le samedi 11 janvier 2025, tous les Hosts français ont reçu un email les informant de deux changements fondamentaux à la politique des véhicules admissibles sur Turo.

Nouvelles règles sur l'âge des véhicules:

1-à compter du 15 février 2025, l'âge maximum des nouveaux véhicules mis à disposition sur Turo sera de 12 ans. (c'était 18 ans auparavant).

2-à compter du 06 janvier 2026, l'âge maximum de tous les véhicules (hors voitures de collections) présents sur l'application Turo sera de 18 ans. (il n'y avait pas de limite auparavant).

Ces deux changements remettent en question tous les business models suivis par les propriétaires loueurs actuels et risquent fort d'en mettre beaucoup en difficulté.

C'est, comme souvent, une décision prise unilatéralement, sans aucune concertation par les dirigeants de l'application. Ils ne voient que leurs intérêts et négligent de prendre soin de ceux qui constituent le fondement de leur modèle, c'est à dire des personnes qui décident de mettre à dispositions leurs véhicules via une application de partage et de jouer le jeu.

Jouer le jeu, ça veut dire:

-Consacrer du temps, souvent en dehors des horaires classiques, tard le soir, tôt le matin, samedi, dimanche, jours fériés pour servir des utilisateurs décomplexés par le concept "de particuliers à particuliers".

-Maintenir des véhicules propres, intérieur et extérieur. C'est donc souvent un nettoyage dans l'heure qui précède la prise en charge du véhicule par le locataire.

-Maintenir les voitures en bon état mécanique, en faisant les révisions (souvent par anticipation), les niveaux et contrôles à chaque location.

-Accepter des dégâts sur sa voiture et des comportements irrespectueux.

-Parfois, investir de l'argent pour proposer plus d'un véhicule.

Et c'est là que le changement des règles du jeu en cours de partie pose problème. Plus particulièrement le changement de la règle numéro 2 qui s'apparente à un comportement de tricheur et qui risque d'émousser très sérieusement la confiance des propriétaires loueurs à venir.

En effet, le changement de la règle numéro 1, qui concerne l'âge des nouveaux véhicules mis à disposition, est un changement important mais qui n'impacte pas les véhicules déjà en ligne, contrairement au changement de la règle numéro 2.

Ce changement de la règle numéro 2 va amener à exclure des voitures qui sont d'ores et déjà en ligne, qui génèrent des revenus à leurs propriétaires, qui ont peut être été acquises à cette seule fin et qui ne sont certainement pas toutes amorties !

Mais alors, pourquoi Turo fait ça ?

Oui, on peut s'interroger sur les raisons d'un changement de politique aussi important. Qui peut aller selon moi, jusqu'à la perte du leadership de Turo sur le marché de la location de véhicules entre particuliers.

Quel est le gain pour Turo ? Pas facile de répondre à cette question. D'autant moins que cela va représenter environ 3000 véhicules qui vont être exclus, soit environ 20% de l'offre disponible sur l'application. Ce qui laisse craindre que certaines personnes désireuses de louer un véhicule ne trouveront pas de voitures disponibles.

De même, une réduction de l'offre pour une demande identique, va créer mécaniquement une hausse des prix.

Donc finalement des utilisateurs locataires pénalisés !

Et une hausse des frais prélevés par Turo sur les locations ! Mais qui aura du mal, je pense, à compenser la perte de revenu liés à 3000 véhicules qui se louent bien.

Il y a environ 3000 voitures sur Turo France dont la date de première mise en circulation est entre 2000 et 2008. Ces véhicules ont effectué environ 80.000 voyages. Leur prix de location est en moyenne de 37 euros par jour, soit 10 euros moins cher que le prix moyen, les incluant et tous les autres véhicules aussi, sur Turo:

A Marseille, par exemple, c'est environs 67 voitures qui seront exclues, elles ont réalisé un CA d'environ 45.000 €. On peut en déduire des revenus pour Turo de l'ordre de 9.000 euros.

Il faut également noter que la plupart de ces véhicules qui génèrent des revenus sont plutôt bien notés, avec des notes supérieures à 4,5/5.

Puis, chaque année suivantes, c'est environ 1000 voitures qui seront exclues de Turo.

Ces différents constats ne nous éclairent pas beaucoup sur les raisons qui motivent Turo à prendre ce risque de changer l'âge maximum des véhicules disponibles sur l'application.

La vraie raison, c'est je pense, une réponse à cet article :

La face cachée des plateformes de location de voiture, disponible en podcast et en lecture sur le site de France Inter.

Cet article peu flatteur, rédigé par une journaliste de France Inter, @Anaëlle Verzaux, a du faire siffler quelques oreilles. Et j'imagine que redorer le blason de ces deux marques leaders doit être depuis, la préoccupation numéro 1 des dirigeants de ces filiales françaises. Ils tiennent à leurs places, comme tout le monde.

En plus, pas de chance, l'actualité internationale les place sous le feu des projecteurs: Il semble que les véhicules ayant servi à commettre les deux attentats du 31 décembre 2024 et du 1er janvier 2025 aux Etats-Unis ont été loués sur Turo !

Voir l'article de @Clémentine Sabrié de Radio France: "Trois choses à savoir sur Turo, l'application où ont été louées les voitures de l'attaque de La Nouvelle-Orléans et de l'explosion de Las Vegas"

Et notamment le troisième paragraphe qui revient sur l'article précèdent:

Des dysfonctionnements en France

Une enquête de la cellule investigation de Radio France a révélé, en novembre dernier, de nombreux dysfonctionnements chez Turo, en France. Des véhicules ont notamment été loués alors qu'ils sont en mauvais état ou dangereux pour la sécurité des conducteurs. Un habitant de la région parisienne racontait, par exemple, qu'il n'avait pas pu utiliser la voiture louée sur Turo à cause de ses sièges brûlés et de sa carrosserie cabossée. Une autre utilisatrice a dû rendre le véhicule qu'elle avait loué, parce que le moteur s'emballait tout seul lorsqu'il était allumé. Elle n'a jamais réussi à se faire rembourser.

Turo affirme avoir mis en place des nouveaux critères de sélection, dont une limite d'âge fixée à 18 ans, sauf pour les voitures de collection. L'entreprise prévoit de l'abaisser à 12 ans pour s'aligner sur les critères de qualité des autres pays dans lesquels elle opère.

Il n'y a clairement aucun lien entre l'article qui met en cause l'état de certains véhicules en France et le fait que les attentats aux Etats-Unis ont été commis grâce à des voitures louées via Turo. Pour autant, la journaliste permet l'amalgame en liant les deux évènements dans un même article. Ce n'est que mon avis, mais je pense que ce n'est pas étique, qu'il y a une forme de "putaclic" qui n'a pas sa place devant la gravité du sujet principal et que la journaliste devrait corriger son article.

Seulement voilà, le mal est fait !

Les dirigeants de Turo réagissent dans l'urgence, et comme de bien entendu tous ces problèmes ne peuvent pas être de leur fait, car la remise en question de ces têtes là n'est pas chose courante, ils se donnent l'illusion d'agir en contraignant d'avantage ceux qui font leur succès.

Il est bien clair, même pour les esprits fermés, que réduire l'âge maximum des véhicules sur Turo ne résoudra ni le problème des véhicules en mauvais état, on peut être en mauvais état à tout âge, surtout quand on est une voiture. Ni le problème des terroristes férus d'autopartage, car "on peut être un barbare et aimer les Fleurs, non ?".